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Langue maternelle patois diglossie aliénation

Langue maternelle patois diglossie aliénation

                              Langue maternelle, patois, diglossie, aliénation.

Pour les cauchois patoisants de souche, la langue maternelle est le cauchois, c’est celle que l’on apprend à la maison, dans la famille, celle des parents, des aïeux. Elle est la langue du domaine privé, de l’intimité.

Dans le passé, et depuis des siècles, elle subit les attaques de l’environnement social extérieur, du pouvoir politique de l’Etat centralisateur qui impose son outil d’échange à partir du parler de son petit territoire initial, l’Ile de France dont la langue est le francien ancêtre du français. Soulignons d’emblée que la langue n’est pas qu’un moyen de communication mais elle est aussi le reflet d’une culture, d’un mode de vie et de pensée.

Le processus a commencé de longue date. L’édit de Villers-Cotterêts (1539), sous François Ier, stipulait que tous les actes officiels devaient être rédigés exclusivement en français à l’exclusion du latin et des langues autochtones. Ce petit état initial s’est agrandi jusqu’à constituer l’hexagone actuel par annexions, mariages, conquêtes guerrières. L’école obligatoire, à l’époque moderne, n’a jamais enseigné que le français.

Au plan linguistique, on ne peut parler de bilinguisme (cohabitation de deux langues à égalité) encore moins de plurilinguisme. Les langues locales ne sont pas à égalité puisque le français s’impose en totale suprématie. Quand deux langues sont en contact, dès lors que l’une d’elles se pose comme dominante, l’autre devient dominée. La langue dominante, c’est celle apprise obligatoirement à l’école, celle des actes officiels, celle de la science, celle du pouvoir, des classes dominantes, des puissants. La langue dominée, c’est celle du cercle privé, de la vie familiale, de la campagne paysanne.

Disons-le tout net, les langues locales, les patois et dialectes se trouvent dans cette situation : le normand, le cauchois, le breton, le basque, le picard, l’occitan, le languedocien, le provençal…la liste est longue, sont en position de domination. Ainsi donc s’est forgé le concept de diglossie qui se définit par la domination d’une langue en contact sur l’autre. C’est ce que vivent les parlers locaux, vernaculaires. Thierry Bulot, dans son étude sur la réalité sociolinguistique dans le Pays de Caux emploie le terme de configurations diglossiques (p. 49).

Cette hiérarchie des langues dans le champ linguistique correspond à une hiérarchie des pouvoirs dans l’histoire politique. D’autres observateurs, linguistes de formation initiale n’hésitent pas à élargir leur domaine d’analyse en ayant recours à l’histoire.

On n’a pas dominé que les langues, on a aussi dominé des nations, des cultures dont certaines ont disparu ou sont en voie de disparition. Les défenseurs des particularismes régionaux sont souvent considérés comme des réactionnaires rétrogrades alors que les centralisateurs jacobins seraient des progressistes quand bien même ils écrasent, ils répriment les valeurs et les aspirations régionales. Ne serait-on pas là en présence d’un véritable processus d’aliénation d’une nation sur une autre, d’une culture sur une autre ? Que sont devenues langue et culture gauloises ? La France, nation se substituant, à la Révolution, au monarque, n’a-t-elle pas aliéné les nations et les cultures qu’elle a soumises ? Pensons à la Bretagne, à l’Occitanie, au Pays basque et au Pays de Caux dont les parlers ne sont ni étudiés ni enseignés à l’Université de Rouen.

On appellera aliénation le processus selon lequel les cultures et les langues ont été progressivement diminuées de prétentions, écrêtées, usées et assimilées selon la définition de l’universitaire occitan Robert Lafont dont les analyses linguistiques et historiques sont si éclairantes. Barère, autre occitan, devenu Conventionnel, aura proclamé, à la Révolution, que « La langue est une comme la République » et que « l’enseignement se fera en français ».

Voilà comment les notions de langue maternelle, de patois, de diglossie nous ont amené à l’idée d’aliénation…A chacun d’y réfléchir.

Etienne-Henri CHARAMON, Vice-Président de l’U.R.C.

 

Pour en savoir plus :

-Bulot Thierry La langue vivante.L’identité sociolinguistique des cauchois. Paris. L’Harmattan.2006.

-Cellier-Gelly Micheline & Coll. Entre deux langues. Adapt. Editions. Paris. 2004.

-Duneton Claude. Parler croquant. Paris. Stock. 1973.

-Lafont Robert. Sur la France. Paris. Gallimard. 1968.                                      

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