PREFACE.
« T’es beauceron et fils de paysan, et tu l’avoues ! « Combien de fois ai-je entendu et supporté cette plaisanterie plutôt de mauvais goût et j’ai toujours répondu avec le plus grand sérieux ; « Oui, et fier de l’être ! »
Pourtant, j’ai quitté ma Beauce natale il y aura bientôt cinquante ans pour devenir un travailleur immigré et être venu manger le pain des normands !
Les cauchois, comme les beaucerons, se méfient des horzains. Ils ont le sens des valeurs de la terre et du travail. En Beauce, quand on prend un verre entre amis et qu’arrive un visiteur, on lui pose la question : « T’as pas soif, toué ? » Seul un beauceron saura répondre : « Ben si, moué , j’boirai ben un coup itou ! »
Notre ami Michel Lecouteux est de cette trempe-là. Cauchois, paysan dans l’âme, il a exercé le métier d’agriculteur avec sérieux et compétence, il a suivi avec lucidité de sa sortie de l’école en 1948 à son installation en 1961 et à sa retraite en 1990, l’évolution de l’agriculture. Il vous en parlera dans le livre. Michel Lecouteux aime son terroir, son Pays de Caux, son patois, le parler de ses pères, de sa patrie selon la belle étymologie, peut-être toute romantique de Charles Nodier, ardent défenseur des patois dans la première moitié du XIX ème siècle.
Il a, au fond de lui, ce réalisme profond qui fait qu’on ne s’en laisse pas conter comme ça. Méfie-té, méfie-té oco, méfie-té toujou ! dit le proverbe cauchois. Mais il a aussi cette belle générosité qui a fait de lui le Prince des conteurs cauchois car il aime faire partager son parler maternel de Saint-Vaast-du Val. D’ailleurs, il ne fait pas le cauchois sur scène, il ne sait parler qu’ainsi. Même avec les mots français, il garde son accent et ses intonations cauchoises. Quand il sort de la Normandie, aux premiers mots prononcés, on lui dit : « Vous ne seriez pas cauchois ? ».
Au sein de l’Atelier d’écriture de l’Université rurale cauchoise, il nous est précieux pour cette raison-là. Lui sait ce que veut dire « l’abattage pour les copiâs « et intègre cette expression cauchoise savoureuse de couleur locale dans une histoire drôle qui captive son auditoire et le rend heureux. Car l’écouter, c’est tout du bonheur…
Fidèle est Michel Lecouteux, à la terre de son Pays de Caux, à l’Université rurale cauchoise et son Atelier d’écriture dont il est membre et animateur actif.
Ce livre que l’Association Le Pucheux nous fait l’amitié de publier saura séduire ceux qui le liront, il ne lui manque que la parole. Le temps nous a manqué d’y joindre un C.D. avec l’incomparable parole de l’auteur mais nous tâcherons d’y remédier.
L’U.R.C. poursuit sa tâche de sauvegarde du patrimoine linguistique cauchois. Bientôt va se profiler à notre horizon un sixième volume consacré aux chroniques d’un cauchois allant de l’après-guerre à nos jours, c’ti-là est natif eud Longueuil ( Pays de Caux et pas celui du Québec ). Gérard Tailleux ne tardera pas à nous donner rendez- vous.
Etienne-Henri CHARAMON
Vice-président de l’U.R.C. et animateur de l’Atelier d’écriture.
Pour en savoir plus :
-BOUCHARD Pascal. Nouveau dictionnaire cauchois. 1979. Luneray. P. Bouchard. Imprimerie Bertout.
162p.
-FONDET Claire. Glossaire des parlers d’Eure & Loir. Beauce et Perche. 1999. Chartres. Société
archéologique d’Eure & Loir. 318p.
-MENSIRE Raymond. Le patois cauchois. 1939. Rouen. Defontaine. 144p.
-NODIER Charles. Notions de linguistique. 1834. Paris. Librairie E. Renduel. 312p. Le chapitre XIII est
consacré aux patois.
-YARD Francis. Le parler normand entre Caux, Bray et Vexin. 1998. Fontaine-le-Bourg. Le Pucheux. 442p.
Rappel des auteurs de l’Atelier d’écriture publiés :
-D.D du Trait. Un cauchois…cent histoires. 2000. Dieppe. Bertout. 222p.
Des histoués oco des histoués de Caux. 2005. Dieppe. Bertout. 234p.
-NOEL Paul. L’écrit des mouettes 2002. Dieppe. Bertout. 184p.
-MALOT Lucien. L’taiseux d’Boulbé. 2008. Le Pucheux. 240p.
-U.R.C. Fables et textes en cauchois. Traductions de La Fontaine, Maupassant, Molière, Hugo et les autres. 2011. Fontaine-le-Bourg. Le Pucheux. 144p.
Ajouter un commentaire